samedi 15 février 2020

Mars convive des femmes #7 La reine Califia


La Reine Califia par Niki de Saint Phalle compte parmi les statues du Queen Califia's Magical Circle (1994-2002), jardin de sculptures situé à Escondido en Californie.
Pour cette œuvre, l'artiste s'est inspirée du personnage devenu légendaire de Califia (dont l’état de Californie tire son nom), amazone noire régnant sur une île paradisiaque couverte d’or et sur un peuple de guerrières.
Ce personnage apparaît pour la première fois sous la plume de l'écrivain espagnol, Garci Rodríguez de Montalvo, dans son célèbre roman : Les aventures d'Esplandián (circa 1500). Dans ce roman qui appartient à la même veine épique que La Jérusalem délivrée du Tasse, Califia lève une armée parmi les habitantes de son île pour aller soutenir les Musulmans qui assiègent Constantinople.
Le nom Califia est formé sur le mot arabe « calife » ou « khalife ». Et voilà comment la Californie a été nommée en hommage à une femme, à une femme noire, à une femme guerrière et musulmane.
Niki de Saint Phalle la représente revêtue de son armure d'or (comme toutes ses amazones, puisqu'il n'existe pas d'autre métal sur l'île mythique de Californie), et chevauchant un griffon (son armée comprend cinq-cents de ces créatures féroces, dressées pour ne tuer que les hommes !).

vendredi 14 février 2020

Une révélation !


En lisant l'article Wikipédia sur le poète-troubadour du XIIe siècle, Jaufré Rudel, je suis arrêtée par ce passage :
« Surnommé le prince de Blaye, ville dont il est le seigneur, il est semble-t-il actif à partir des années 1120, et prend part à la deuxième croisade (v. 1147-1149). Guillaume le troubadour a pris au père de Jaufré la forteresse de Blaye et en a détruit les murs et la tour. La forteresse n'est rendue à Jaufré que longtemps après. »
Car voilà qui me renvoie instantanément aux premiers vers du plus célèbre sonnet de Nerval : El Desdichado (circa 1853).
« Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé, / Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie... »
Le prince d'Aquitaine dont il est ici question a généralement été identifié soit à Guillaume le troubadour, soit à son arrière-petit-fils, Richard Cœur de Lion, tous deux ducs d'Aquitaine. Dans un texte qui met en scène la figure du poète que ce soit par des références à ses attributs traditionnels (le luth et la lyre) ou à ses plus grands représentants (Phébus, Orphée, Virgile, enterré près de la colline du Pausilippe, ou Salomon, auquel renvoie immanquablement la référence à la reine de Saba), le fait que ces deux hommes se soient essayés avec plus ou moins d'application à la poésie rend cette hypothèse tout à fait sensée. Mais l'épithète « à la tour abolie » qui ne peut s'expliquer que par cette circonstance singulière de la vie de Rudel, me semble devoir faire pencher en sa faveur. La référence au seigneur de Blaye permet par ailleurs d'étoffer la thématique de la spoliation qui court à travers le sonnet (Nerval regrettait apparemment la perte de terres familiales sous l'Ancien Régime), de même que celle de la séparation d'avec l'être aimé, puisque Rudel a été le chantre de « l'amour de loin », dans lequel le sentiment, loin d'être empêché par l'absence et le défaut d'espoir, croît au contraire grâce à eux.
L'identité du « Ténébreux » ne laisse par contre aucun doute : il s'agit d'une évocation du célèbre Amadis de Gaule, qui apparaît dans le roman de chevalerie éponyme, œuvre de Garci Rodríguez de Montalvo, publiée en 1508. Amadis est surnommé le « Beau Ténébreux », lorsqu'il se retire, désespéré, dans une solitude sauvage, après le rejet de sa chère Oriane.