La
sélection naturelle des individus les plus adaptés à leur
environnement, telle que la comprend le darwinisme, est une théorie
invalidée aujourd'hui.
Je
vais ici m'attacher à rendre compte de quelques éléments de
critique de la théorie néo-darwinienne, critique qui s'est
développée dans les années 60, et de quelle façon l'on envisage
désormais la relation
des individus à leur environnement.
Je
m'appuie, pour ce faire, sur l'article d'André Langaney : « Les
bases génétiques de l'évolution humaine », in Qu'est-ce
que la vie ?, UTLS, 2000.
Petite
critique du darwinisme
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La
sélection selon Darwin suppose que, dans un contexte donné,
plusieurs possibilités s'offrent pour le devenir de l'espèce et que
l'une d'elles est plus adaptée que toutes les autres.
Or
une espèce est toujours confrontée à une multiplicité de
contextes, de sorte qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les
possibilités d'adaptation : toute adaptation à un aspect est une
inadaptation à un autre et les différents aspects sont toujours
équiprobables. Bref, il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises
adaptations.
Ainsi
les insectes sont-ils parfaitement adaptés à la chaleur, absolument
pas au froid : proliférant au printemps et en été, mourant en
hiver, ils ne sont donc adaptés qu'à 50% des conditions
climatiques.
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La
sélection darwinienne suppose des conditions extrêmes : parmi
toutes les variantes d'individus d'une espèce donnée, une seule est
appelée à survivre, toutes les autres mourant faute de pouvoir
faire face à un contexte suffisamment extrême pour faire un tri
radical entre la « bonne » et les « mauvaises » variantes.
C'est un modèle où les morts se comptent en plus grand nombre que
les vivants, ce qui n'est pas constaté dans la nature.
En
réalité, les contextes n'ont rien d'extrême et permettent à des
êtres vivants moyennement adaptés de survivre. La sur-adaptation
n'est donc pas nécessaire, sauf à créer artificiellement des
conditions extrêmes, ce que le fascisme a fantasmé avec l'idée de
guerre de tous contre tous, empruntée à Hobbes, duquel s'est
d'ailleurs inspiré Darwin.
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Le
dernier demi-milliard d'années de la vie sur Terre a vu cependant
l'apparition de contextes extrêmes, au cours des cinq « extinctions
massives de la biodiversité », où, à chaque fois, plus de 75% des
espèces ont disparu.
L'observation
de ces cinq périodes
nous apprend que ce n'est pas tel ou tel individu qui est adapté au
contexte, ni même telle ou
telle espèce, c'est tout le système du vivant, articulant toutes
les espèces les unes avec les autres, qui est adapté ou non à
l'environnement planétaire. En effet, pour survivre, il ne suffit
pas à une espèce d'être adaptée au milieu et à ses variations.
Il faut aussi que les espèces dont elle dépend (par exemple pour
s'alimenter) soient elles-mêmes adaptées, car leur
disparition entraîne immanquablement la sienne.
La
réadaptation du système entier du vivant à un nouvel environnement
est néanmoins relativement rapide (500.000 ans).
Les
pistes ouvertes par la critique darwinienne
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Une
sélection culturelle et non pas naturelle
On
relève bien l'existence de choix présidant à l'accouplement
procréatif, mais ils dépendent entièrement du contexte social et
de l'histoire géographique de l'individu (son parcours dans l'espace
géographique et social).
Exemple
: dans la culture indo-européenne, les familles qui marient des
filles vont s'allier vers le haut pour se procurer des protecteurs,
tandis que celles qui marient des garçons vont s'allier vers le bas
pour se procurer des « fidèles », des vassaux qui les assistent.
Exemple
: chez les chimpanzés, les formes de la sociabilité contribuent à
sélectionner les mutations génétiques de l'espèce. Un individu
qui présente des modifications génétiques qui ne lui permettent
pas de se comporter conformément à la sociabilité en cours, sera
exclu de la communauté et, de ce fait, dans l'incapacité de
reproduire sa mutation.
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Les
mécanismes naturels à l'œuvre ne sont pas de l'ordre de la
sélection.
Ils
sont de trois types :
- La coévolution :
Ce
n'est pas une espèce qui s'adapte aux autres espèces dans un milieu
donné, mais toutes les espèces du milieu qui évoluent
simultanément les unes par rapport aux autres.
Je
prendrai ici l'exemple bien connu de la coévolution (coévolution «
simple », puisque qu'elle ne fait interagir que deux espèces) de
l'orchidée et du papillon, qui entretiennent toujours la même
relation : une course-poursuite, dans laquelle la fleur accroît
toujours la profondeur de sa corolle et l'insecte, la longueur de sa
trompe. La plante a besoin du papillon pour la pollinisation, tandis
que le papillon a besoin de la plante pour se nourrir. Le papillon
fait évoluer la taille de sa trompe pour mieux aspirer le nectar au
fond de la plante ; la plante augmente la taille de sa corolle pour
obliger le papillon à pénétrer plus avant et mieux disséminer
sur lui son pollen. Les papillons qui ont une courte trompe meurent de faim,
les fleurs qui ont de petites corolles ne se reproduisent pas.
La
coévolution permet de conserver un équilibre entre les espèces et
d'empêcher que certaines ne détruisent entièrement celles qui
occupent un échelon inférieur dans la chaîne alimentaire. Ainsi le
gnou, qui a le lion pour prédateur, a-t-il évolué en force et en
rapidité, afin de pouvoir lui échapper et lui résister. Pour le
lion, la limitation de ses aptitudes physiques, mais aussi
sociales (il chasse seul), évite qu'il ne commette des déprédations
sur la population des gnous qui seraient préjudiciables pour sa
survie à long terme.
- L'évolution symbiotique :
Deux
espèces évoluent simultanément, en répartissant entre elles leur
intérêt commun fonctionnel. Ici l'intérêt collectif prime sur
l'intérêt individuel.
Ainsi
les légumineuses et certaines bactéries (rhizobium), qui se
distribuent le processus de croissance. La légumineuse crée, au
niveau de ses racines, un organe (nodosité), qui accueille des
bactéries fixatrices d'azote. Pour transformer l'azote en ammoniac,
la bactérie a besoin d'énergie, que la plante lui fournit par
photosynthèse. C'est un des schémas basiques de la symbiose
alimentaire : l'acte de manger nécessite deux acteurs (cf. exemple
suivant). En 2000, les
nodosités des légumineuses produisaient, sur notre planète,
davantage d'ammoniac que l'ensemble de l'industrie des engrais
azotés.
Ainsi
de l'être humain et de sa flore intestinale, qui ont des intérêts
convergents et se rendent des services mutuels. Pour l'être humain,
il s'agit de ne pas manger ce qui ne convient pas à la flore
intestinale ; pour la flore intestinale, de faciliter la digestion de
l'être humain. La notion de conflit n'a aucun sens ici.
- Les mutations structurelles :
Une
espèce évolue dans un milieu micro-biotique, bactérien et viral,
avec lequel elle entretient des interactions reposant sur des
échanges génétiques.
Ainsi
du virus, qui colonise un hôte et qui lui emprunte du matériel
génétique, tout en lui occasionnant des mutations génétiques.
L'espèce et le virus évoluent conjointement par le mélange de leur
matériel génétique. Du fait des vaccins, ce type de mutations
concerne de moins en moins les humains, qui, au milieu d'espèces en
mutation perpétuelle, constituent un exemple unique et inédit de
permanence génétique et d'évolution stoppée.
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