lundi 28 janvier 2019

Pour en finir avec les idées fausses #2 La sélection naturelle


La sélection naturelle des individus les plus adaptés à leur environnement, telle que la comprend le darwinisme, est une théorie invalidée aujourd'hui.
Je vais ici m'attacher à rendre compte de quelques éléments de critique de la théorie néo-darwinienne, critique qui s'est développée dans les années 60, et de quelle façon l'on envisage désormais la relation des individus à leur environnement.
Je m'appuie, pour ce faire, sur l'article d'André Langaney : « Les bases génétiques de l'évolution humaine », in Qu'est-ce que la vie ?, UTLS, 2000.

Petite critique du darwinisme

La sélection selon Darwin suppose que, dans un contexte donné, plusieurs possibilités s'offrent pour le devenir de l'espèce et que l'une d'elles est plus adaptée que toutes les autres.
Or une espèce est toujours confrontée à une multiplicité de contextes, de sorte qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les possibilités d'adaptation : toute adaptation à un aspect est une inadaptation à un autre et les différents aspects sont toujours équiprobables. Bref, il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises adaptations.
Ainsi les insectes sont-ils parfaitement adaptés à la chaleur, absolument pas au froid : proliférant au printemps et en été, mourant en hiver, ils ne sont donc adaptés qu'à 50% des conditions climatiques.
La sélection darwinienne suppose des conditions extrêmes : parmi toutes les variantes d'individus d'une espèce donnée, une seule est appelée à survivre, toutes les autres mourant faute de pouvoir faire face à un contexte suffisamment extrême pour faire un tri radical entre la « bonne » et les « mauvaises » variantes. C'est un modèle où les morts se comptent en plus grand nombre que les vivants, ce qui n'est pas constaté dans la nature.
En réalité, les contextes n'ont rien d'extrême et permettent à des êtres vivants moyennement adaptés de survivre. La sur-adaptation n'est donc pas nécessaire, sauf à créer artificiellement des conditions extrêmes, ce que le fascisme a fantasmé avec l'idée de guerre de tous contre tous, empruntée à Hobbes, duquel s'est d'ailleurs inspiré Darwin.
Le dernier demi-milliard d'années de la vie sur Terre a vu cependant l'apparition de contextes extrêmes, au cours des cinq « extinctions massives de la biodiversité », où, à chaque fois, plus de 75% des espèces ont disparu.
L'observation de ces cinq périodes nous apprend que ce n'est pas tel ou tel individu qui est adapté au contexte, ni même telle ou telle espèce, c'est tout le système du vivant, articulant toutes les espèces les unes avec les autres, qui est adapté ou non à l'environnement planétaire. En effet, pour survivre, il ne suffit pas à une espèce d'être adaptée au milieu et à ses variations. Il faut aussi que les espèces dont elle dépend (par exemple pour s'alimenter) soient elles-mêmes adaptées, car leur disparition entraîne immanquablement la sienne.
La réadaptation du système entier du vivant à un nouvel environnement est néanmoins relativement rapide (500.000 ans).

Les pistes ouvertes par la critique darwinienne

Une sélection culturelle et non pas naturelle
On relève bien l'existence de choix présidant à l'accouplement procréatif, mais ils dépendent entièrement du contexte social et de l'histoire géographique de l'individu (son parcours dans l'espace géographique et social).
Exemple : dans la culture indo-européenne, les familles qui marient des filles vont s'allier vers le haut pour se procurer des protecteurs, tandis que celles qui marient des garçons vont s'allier vers le bas pour se procurer des « fidèles », des vassaux qui les assistent.
Exemple : chez les chimpanzés, les formes de la sociabilité contribuent à sélectionner les mutations génétiques de l'espèce. Un individu qui présente des modifications génétiques qui ne lui permettent pas de se comporter conformément à la sociabilité en cours, sera exclu de la communauté et, de ce fait, dans l'incapacité de reproduire sa mutation.

Les mécanismes naturels à l'œuvre ne sont pas de l'ordre de la sélection.
Ils sont de trois types :
  • La coévolution :
Ce n'est pas une espèce qui s'adapte aux autres espèces dans un milieu donné, mais toutes les espèces du milieu qui évoluent simultanément les unes par rapport aux autres.
Je prendrai ici l'exemple bien connu de la coévolution (coévolution « simple », puisque qu'elle ne fait interagir que deux espèces) de l'orchidée et du papillon, qui entretiennent toujours la même relation : une course-poursuite, dans laquelle la fleur accroît toujours la profondeur de sa corolle et l'insecte, la longueur de sa trompe. La plante a besoin du papillon pour la pollinisation, tandis que le papillon a besoin de la plante pour se nourrir. Le papillon fait évoluer la taille de sa trompe pour mieux aspirer le nectar au fond de la plante ; la plante augmente la taille de sa corolle pour obliger le papillon à pénétrer plus avant et mieux disséminer sur lui son pollen. Les papillons qui ont une courte trompe meurent de faim, les fleurs qui ont de petites corolles ne se reproduisent pas.
La coévolution permet de conserver un équilibre entre les espèces et d'empêcher que certaines ne détruisent entièrement celles qui occupent un échelon inférieur dans la chaîne alimentaire. Ainsi le gnou, qui a le lion pour prédateur, a-t-il évolué en force et en rapidité, afin de pouvoir lui échapper et lui résister. Pour le lion, la limitation de ses aptitudes physiques, mais aussi sociales (il chasse seul), évite qu'il ne commette des déprédations sur la population des gnous qui seraient préjudiciables pour sa survie à long terme.
  • L'évolution symbiotique :
Deux espèces évoluent simultanément, en répartissant entre elles leur intérêt commun fonctionnel. Ici l'intérêt collectif prime sur l'intérêt individuel.
Ainsi les légumineuses et certaines bactéries (rhizobium), qui se distribuent le processus de croissance. La légumineuse crée, au niveau de ses racines, un organe (nodosité), qui accueille des bactéries fixatrices d'azote. Pour transformer l'azote en ammoniac, la bactérie a besoin d'énergie, que la plante lui fournit par photosynthèse. C'est un des schémas basiques de la symbiose alimentaire : l'acte de manger nécessite deux acteurs (cf. exemple suivant). En 2000, les nodosités des légumineuses produisaient, sur notre planète, davantage d'ammoniac que l'ensemble de l'industrie des engrais azotés.
Ainsi de l'être humain et de sa flore intestinale, qui ont des intérêts convergents et se rendent des services mutuels. Pour l'être humain, il s'agit de ne pas manger ce qui ne convient pas à la flore intestinale ; pour la flore intestinale, de faciliter la digestion de l'être humain. La notion de conflit n'a aucun sens ici.
  • Les mutations structurelles :
Une espèce évolue dans un milieu micro-biotique, bactérien et viral, avec lequel elle entretient des interactions reposant sur des échanges génétiques.
Ainsi du virus, qui colonise un hôte et qui lui emprunte du matériel génétique, tout en lui occasionnant des mutations génétiques. L'espèce et le virus évoluent conjointement par le mélange de leur matériel génétique. Du fait des vaccins, ce type de mutations concerne de moins en moins les humains, qui, au milieu d'espèces en mutation perpétuelle, constituent un exemple unique et inédit de permanence génétique et d'évolution stoppée.

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