*
Pour de plus amples explications, c'est par là.
Introduction
Jeune
écolière, je me souviens qu'en cours de latin, notre professeur
nous avait présenté le célèbre poète Ovide comme une sorte de
féministe avant l'heure, grand ami des femmes, attentif au désir et
au plaisir féminins, bref, un être rare. Il semblait tenir pour
certain que le poète avait
été chassé de Rome, non parce qu'il aurait entretenu une liaison
avec Julie, la fille de l'empereur Auguste, ou pour une autre raison
(rappelons que le motif de sa relégation dans une île de la mer
Noire demeure inconnu), mais parce qu'il avait
ouvertement évoqué la sexualité féminine dans son traité L'art
d'aimer, qu'il l'avait placée sur le même plan d'importance que
celle masculine, fautes impardonnables aux yeux d'un empereur
vieillissant et austère, désireux de restaurer la morale et les
valeurs bien masculines des anciens romains.
Aujourd'hui
que je ne suis plus écolière et que ma confiance paresseuse et
heureuse dans mes maîtres, ou ce qui les a remplacés, n'est plus
(ou presque), j'ai bien envie d'aller y voir de plus près.
Dans
la préface de l'édition des Belles Lettres, Ph. Heuzé, professeur
à l'Université de Nantes, nous y dit ceci :
«
Le plus souvent, la psychologie féminine intéresse les misogynes.
Ici, le portrait est tracé par un homme qui aime les femmes, à tous
les sens du terme. On a signalé comme une importante nouveauté la
revendication d'un plaisir également partagé. (...). On ne voit
jamais Ovide souhaiter que les femmes soient différentes, sauf
peut-être au chapitre des cadeaux... »
Ah
! ah ! l'opinion de mon professeur sur Ovide semble ici partagée :
attention portée au plaisir féminin, fine connaissance de la psyché
féminine, philogynie qui s'oppose à l'extrême misogynie d'un
Juvénal par exemple...
Cela
commence donc très bien pour notre Publius Ovidius Naso, né en 43
av. J.-C. dans le centre de l'Italie et mort en 17 ou 18 ap. J.-C. en
exil, auteur notamment des Héroïdes, lettres d'illustres
personnages féminins de la mythologie à leurs maris ou amants
absents, et des Fards ou Soins du visage, qui renferment des
conseils de beauté destinés aux femmes.
▼▼▼
Quelques
remarques
*
L'art d'aimer comporte trois livres, deux à destination des
hommes, le dernier s'adressant aux femmes. Ce troisième livre
n'était pas prévu à l'origine et laisse voir une composition plus
négligée. La structure de l'œuvre montre d'emblée un déséquilibre
en faveur des hommes, qui va se retrouver dans l'ensemble de son
contenu.
*
Voici ces trois livres : Livre 1 Conseils aux amants : trouver
l'amour, savoir plaire. Livre 2 Conseils aux amants : faire durer
l'amour. Livre
3 conseils aux amantes.
*
Ovide s'intéresse ici, non à l'amour dans le cadre du mariage ou
bien ouvrant sur le mariage (j'ignore si l'un et l'autre pouvaient
coexister chez les Romains), mais à la relation sexuelle d'un soir
avec une inconnue préalablement séduite, ou à la relation
amoureuse de quelques mois ou années entre un amant et sa maîtresse.
*
La cible de son livre :
Ses
lecteurs : de jeunes romains (tous les lieux de drague évoqués sont
à Rome), plutôt d'un bon milieu, ayant la culture et le loisir
nécessaires pour apprécier son œuvre et mettre ses conseils en
pratique.
Ses
lectrices ET les femmes à séduire : c'est là que les choses se
compliquent. A priori, lectrices et femmes à séduire ne doivent pas
être mariées, la fidélité étant une vertu essentielle de
l'épouse romaine ; ce ne sont pas non plus des jeunes filles (on ne
plaisante pas avec la virginité des jeunes filles libres), ni
des esclaves, ni des courtisanes (objets indignes d'un « art » de
la séduction), mais des affranchies plus ou moins jeunes, disposant
de la liberté de choix de leur(s) partenaire(s), d'une relative
liberté dans leurs mouvements et de leur liberté sexuelle (leur
sexualité n'est pas un enjeu social). Mais à la lecture du texte,
on s'aperçoit que sa cible, active ou passive, est beaucoup plus
large qu'Ovide ne nous le dit et qu'en la réduisant en apparence aux
affranchies, il cherche surtout à se préserver des foudres de la
censure, ce qui n'aura que peu d'efficacité, puisque l'immoralité
de son livre lui sera beaucoup reprochée et sera peut-être une des
raisons de son exil.
*
Dans les articles suivants, je laisse la parole à Ovide, dont je
propose un certain nombre de citations qui me paraissent
représentatives. Je les ai rassemblées par thèmes, tout en
conservant peu ou prou la structure des trois livres.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire