lundi 14 novembre 2016

Un manuel à l'usage des pick up artists* vieux de deux-mille ans : L'art d'aimer, Ovide.

* Pour de plus amples explications, c'est par .

Introduction

Jeune écolière, je me souviens qu'en cours de latin, notre professeur nous avait présenté le célèbre poète Ovide comme une sorte de féministe avant l'heure, grand ami des femmes, attentif au désir et au plaisir féminins, bref, un être rare. Il semblait tenir pour certain que le poète avait été chassé de Rome, non parce qu'il aurait entretenu une liaison avec Julie, la fille de l'empereur Auguste, ou pour une autre raison (rappelons que le motif de sa relégation dans une île de la mer Noire demeure inconnu), mais parce qu'il avait ouvertement évoqué la sexualité féminine dans son traité L'art d'aimer, qu'il l'avait placée sur le même plan d'importance que celle masculine, fautes impardonnables aux yeux d'un empereur vieillissant et austère, désireux de restaurer la morale et les valeurs bien masculines des anciens romains.
Aujourd'hui que je ne suis plus écolière et que ma confiance paresseuse et heureuse dans mes maîtres, ou ce qui les a remplacés, n'est plus (ou presque), j'ai bien envie d'aller y voir de plus près.
Dans la préface de l'édition des Belles Lettres, Ph. Heuzé, professeur à l'Université de Nantes, nous y dit ceci :
« Le plus souvent, la psychologie féminine intéresse les misogynes. Ici, le portrait est tracé par un homme qui aime les femmes, à tous les sens du terme. On a signalé comme une importante nouveauté la revendication d'un plaisir également partagé. (...). On ne voit jamais Ovide souhaiter que les femmes soient différentes, sauf peut-être au chapitre des cadeaux... »
Ah ! ah ! l'opinion de mon professeur sur Ovide semble ici partagée : attention portée au plaisir féminin, fine connaissance de la psyché féminine, philogynie qui s'oppose à l'extrême misogynie d'un Juvénal par exemple...
Cela commence donc très bien pour notre Publius Ovidius Naso, né en 43 av. J.-C. dans le centre de l'Italie et mort en 17 ou 18 ap. J.-C. en exil, auteur notamment des Héroïdes, lettres d'illustres personnages féminins de la mythologie à leurs maris ou amants absents, et des Fards ou Soins du visage, qui renferment des conseils de beauté destinés aux femmes.

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Quelques remarques

* L'art d'aimer comporte trois livres, deux à destination des hommes, le dernier s'adressant aux femmes. Ce troisième livre n'était pas prévu à l'origine et laisse voir une composition plus négligée. La structure de l'œuvre montre d'emblée un déséquilibre en faveur des hommes, qui va se retrouver dans l'ensemble de son contenu.

* Voici ces trois livres : Livre 1 Conseils aux amants : trouver l'amour, savoir plaire. Livre 2 Conseils aux amants : faire durer l'amour. Livre 3 conseils aux amantes.

* Ovide s'intéresse ici, non à l'amour dans le cadre du mariage ou bien ouvrant sur le mariage (j'ignore si l'un et l'autre pouvaient coexister chez les Romains), mais à la relation sexuelle d'un soir avec une inconnue préalablement séduite, ou à la relation amoureuse de quelques mois ou années entre un amant et sa maîtresse.

* La cible de son livre :
Ses lecteurs : de jeunes romains (tous les lieux de drague évoqués sont à Rome), plutôt d'un bon milieu, ayant la culture et le loisir nécessaires pour apprécier son œuvre et mettre ses conseils en pratique.
Ses lectrices ET les femmes à séduire : c'est là que les choses se compliquent. A priori, lectrices et femmes à séduire ne doivent pas être mariées, la fidélité étant une vertu essentielle de l'épouse romaine ; ce ne sont pas non plus des jeunes filles (on ne plaisante pas avec la virginité des jeunes filles libres), ni des esclaves, ni des courtisanes (objets indignes d'un « art » de la séduction), mais des affranchies plus ou moins jeunes, disposant de la liberté de choix de leur(s) partenaire(s), d'une relative liberté dans leurs mouvements et de leur liberté sexuelle (leur sexualité n'est pas un enjeu social). Mais à la lecture du texte, on s'aperçoit que sa cible, active ou passive, est beaucoup plus large qu'Ovide ne nous le dit et qu'en la réduisant en apparence aux affranchies, il cherche surtout à se préserver des foudres de la censure, ce qui n'aura que peu d'efficacité, puisque l'immoralité de son livre lui sera beaucoup reprochée et sera peut-être une des raisons de son exil.

* Dans les articles suivants, je laisse la parole à Ovide, dont je propose un certain nombre de citations qui me paraissent représentatives. Je les ai rassemblées par thèmes, tout en conservant peu ou prou la structure des trois livres.

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