mardi 23 janvier 2024

Sexe, genre et philosophie #6 Xénophane, Parménide, Zénon, Mélissos #1 Xénophane (– 570, – 470)

 

Sources :

Hermann Diels 1903, Walther Kranz 1951, Fragmente der Vorsokratiker, traduction sous la direction de Jean-Paul Dumont, Les Présocratiques, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 2000.

Articles cités :

Sexe, genre et philosophie #2 gnathaena.blogspot.com 2022 : Hésiode

Sexe, genre et philosophie #3 gnathaena.blogspot.com 2023 : Thalès, Anaximandre, Anaximène

Sexe, genre et philosophie #4 gnathaena.blogspot.com 2023 : Pythagore

Sexe, genre et philosophie #5 gnathaena.blogspot.com 2023 : Héraclite


(1) De Colophon à Élée

Xénophane est bien connu pour sa longévité : de dix ans plus jeune que Pythagore, il meurt centenaire dix ans après Héraclite. Il naît à Colophon, à 20 km au nord-ouest d’Éphèse. Quand il a vingt-cinq ans, en – 545, Harpage reçoit de Cyrus le gouvernement de la Lydie et commence à soumettre les cités ioniennes. Xénophane choisit de s’exiler, à l’instar de Pythagore, en Italie du sud. Il y arrive après un long voyage dans les îles de la mer Égée et rejoint la colonie phocéenne (*) d’Élée, située sur la côte ouest de l’Italie du sud, récemment fondée (– 535), dont il conseille les magistrat.e.s du Prytanée sur la manière d’accomplir les rites civiques, et où il ouvre une école de philosophie. Si, comme l’affirme la tradition, il y reçoit Parménide, natif d’Élée, ce ne doit pas être avant – 500, Xénophane étant alors âgé de 70 ans… Il finit sa vie à Syracuse auprès de Hiéron, tyran de la cité depuis – 478, aussi cruel et philhellène que son frère Géron, premier tyran de Syracuse, était bienveillant et méfiant envers les Grecs.

(*) Phocée est une cité d’Ionie, située à 120 km au nord d’Éphèse, fondatrice de nombreuses colonies, dont Marseille vers – 600.

Xénophane est, comme Thalès, un sage qui a ouvert une école dont subsistent seulement quelques bribes de l’enseignement qu’il y a prodigué.

Le trait le plus marquant retenu par la tradition (transmise encore une fois principalement par l’école d’Aristote) est son rejet de la musique comme véhicule privilégié de la sagesse. Xénophane se présente certes lui-même comme un poète, mais sa poésie, sans ornement, se prête mal au chant. Selon lui, l’aède pèche sur trois aspects : il privilégie l’agrément par rapport au sens, la narration par rapport à la description, et le profane par rapport au sacré. Cela peut conduire à de véritables impiétés, notamment quand, aux êtres divins, on prête les sentiments humains les moins nobles. Homère et Hésiode n’échappent pas à ce reproche.

« Les dieux sont accusés par Homère et Hésiode / de tout ce qui chez nous est honteux et blâmable : / on les voit s’adonner au vol, à l’adultère / et se livrer entre eux au mensonge trompeur. » (fr. XI)

Si Platon est célèbre pour avoir voulu éloigner les aèdes de la Cité idéale, il le doit à Xénophane. Sa critique a cependant cette ambiguïté, que Platon ne perçoit déjà plus, caractéristique des ruptures historiques, où l’on dévalue le passé pour faire du temps présent la seule source légitime des valeurs de demain, quand bien même le présent ne tire sa légitimité que de ce qu’il hérite du passé.

La sagesse grecque s’est en l’occurrence construite autour des chants d’Homère et d’Hésiode. Ce qu’en retient Xénophane est tout à fait insignifiant : Hermès enfant dérobe à Apollon son troupeau de bœufs sacrés, Aphrodite trompe Héphaïstos avec Arès, Prométhée présente à Zeus deux parts inégales de viande, la meilleure sous l’apparence de la pire et réciproquement. On est loin des trahisons (de certaines mères par certains pères) et des actes tout à fait immoraux (de certains pères envers leurs enfants et de certains enfants envers leurs pères) qui ne figurent d’ailleurs chez ces deux auteurs que pour exprimer une critique de la culture masculine, et qu’il ne mentionne pas, parce qu’ils sont sans intérêt pour la morale civique, qui s’intéresse uniquement au mensonge, au vol, à l’adultère. C’est au nom de la Cité que Xénophane (et Platon après lui) évacue la musique de la poésie. Mais son projet est surtout d’instaurer un mode d’expression (publique) spécifiquement philosophique qui ne peut s’imposer que sur les ruines de l’institution sapientale antérieure, celle du chant accompagné par la cithare. La sagesse doit se diffuser par l’écriture, ce qui rompt autant avec les pratiques orphiques qu’avec celles des Homérides, mais ce qui engage assez peu la théologie qu’Homère, Hésiode et même Orphée promeuvent.


(2) Une cosmologie milésienne

Xénophane ne rompt pas avec la méthode hésiodienne qui consiste à comprendre le monde à partir de ce qui, en lui et au-delà de lui, est de nature divine. S’il admet, comme je vais le montrer, les premières étapes de la Théogonie d’Hésiode, il rejette cependant toutes celles qui impliquent pour les êtres divins de se comporter comme des êtres humains (en bien ou en mal).

Deux anecdotes permettent de mesurer le rigorisme religieux de Xénophane :

  • La première est rapportée par Aristote : les Éléates, qui le consultent sur les rites civiques à suivre, lui demandent comment rendre un culte convenable à Leucothée (« blanche déesse »), nom divin d’Ino, fille de Cadmos, qui a nourri le jeune Dionysos loin des yeux d’Héra. La grande déesse s’en est vengée en la frappant de folie, Ino se jetant dans la mer avec son fils, Mélicerte. Aphrodite demande à Poséidon d’en faire des divinités marines. Ino-Leucothée préside aux mers calmes (« blanches ») : d’où la requête d’une cité côtière née du long voyage maritime de citoyen.ne.s de Phocée. Xénophane répond : « Si vous la prenez pour une déesse, pas de thrènes (chants de lamentation) ; si vous la prenez pour un être humain, pas de sacrifices ». Pour Xénophane, le passage de l’humain au divin est si radical que l’un ne peut laisser subsister l’autre : aux êtres humains la mort et la douleur des funérailles, au divin la dîme prélevée sur la nourriture produite par le travail humain. Rituellement, c’est soit l’un soit l’autre, et l’association Ino-Leucothée est théologiquement impossible comme est impur le récit poétique de sa divinisation, qui ne traite que de jalousie, de ruse et de vengeance, vices improprement attribués aux déesses et aux dieux parce qu’inhérents aux mortel.le.s.

  • La seconde anecdote, rapportée par Plutarque, est du même type mais vise plus haut. Xénophane aurait « interpellé » les Égyptiens (par le biais d’un poème…) en leur suggérant « de ne pas honorer Osiris s’ils le considéraient comme un mortel, et de ne pas lui chanter de thrènes s’ils le croyaient un dieu. » De Xénophane date précisément l’attribution exclusive de la mortalité à l’humain et de l’immortalité au divin. Ce n’était pas du tout la position d’Hésiode, qui considérait l’immortalité comme la fleur de la divinité, à laquelle de nombreux dieux, enfants de Gaïa (Cent-Bras, Cyclopes, Géants et autres monstres), n’avaient pas accès, et dont l’attribution relevait de la souveraineté de Cronos puis de Zeus. Une divinité comme Osiris, qui règne justement sur les Enfers parce qu’elle a connu la mort (et la résurrection), recèle une contradiction et ne peut, à ce titre, exister. La « critique » théologique employée par Xénophane menace de manière évidente la religion grecque dans son ensemble : outre les déifications, les amours fécondes entre êtres divins et humains peuvent désormais être considérées comme des impossibilités, Dionysos n’a pas d’existence et encore moins le Dionysos osirien, démembré et remembré, des théogonies orphiques.

Xénophane, non content de critiquer de l’intérieur la religion à partir de ses mythes, prend de la hauteur pour en dénoncer le vice fondateur : l’anthropomorphisme. Cela en deux étapes :

  • D’abord l’ethnocentrisme : « Peau noire et nez camus : ainsi les Éthiopiens / représentent leurs dieux, cependant que les Thraces / leur donnent des yeux pers et des cheveux de feu. » (fr. XVI)

  • Ensuite l’anthropomorphisme en tant que tel : « Cependant si les bœufs, les chevaux et les lions / avaient aussi des mains, et si avec ces mains / ils savaient dessiner, et savaient modeler / les œuvres qu’avec art, seuls les hommes façonnent, / les chevaux forgeraient des dieux chevalins / et les bœufs donneraient aux dieux forme bovine : / chacun dessinerait pour son dieu l’apparence / imitant la démarche et le corps de chacun. » (fr. XV)

a) Chaos, Gaïa, Pontos, Hélios

Parmi tout ce qui est sans ressemblance avec les êtres mortels, il y a par excellence ce qui n’est figurable par aucun d’entre eux, à savoir la scène même où ils naissent et meurent, cette scène cosmique qu’Hésiode identifie aux deux premières générations (non sexuées) divines : une Terre centrale (Gaïa) surmontée d’un Ciel (Ouranos), couronnée de Hauts-Monts (Ouréa), s’enracinant dans un profond Tartare, et se rassemblant autour d’une mer de Flots salés (Pontos) ; rongeant le Tartare, des Ténèbres profondes, et au-dessus du Ciel, un Éther lumineux, enfin l’alternance de la Nuit et du Jour – Chaos subsistant au-delà du haut et du bas. De cette scène, Xénophane retient Chaos, Gaïa et Pontos, auxquels il adjoint Hélios, entre le figurable (le soleil est sphérique) et le non figurable (il aveugle lorsqu’on le scrute, et c’est son rayonnement qui rend possible la vue et la figuration de ce qui nous entoure).

Chaos, au-delà du haut et du bas, est la moins figurable des divinités premières hésiodiennes, puisqu’elle est pure béance et enveloppe tout. Xénophane l’évoque sans lui donner de nom, parce qu’il considère que la divinité première est si éloignée des êtres humains qu’ils ne peuvent même pas la nommer. Ne bénéficiant pas de l’appui du nom, il utilise à son propos une méthode originale, qui ressemble à celle qu’emploiera Anselme, au XIe siècle, dans sa preuve a priori de l’existence de Dieu. Il s’agit de partir de la qualité première de Chaos (être la plus grande divinité), pour en déduire un certain nombre d’autres qualités. Anselme partira quant à lui de l’être qui est le plus grand de tous pour en déduire de nombreux autres attributs, dont l’existence (ce qui lui sera reproché, mais c’est une autre histoire).

  • « Un seul Dieu, le plus grand chez les dieux et les hommes, / et qui en aucun cas n’est semblable aux mortels / autant par sa démarche, autant par ce qu’il pense. » (fr. XXIII)

  • « Et tout entier il voit, tout entier il conçoit, / tout entier il entend. » (fr. XXIV)

  • « Sans peine, et par la force seule de l’esprit, / il donne le branle à toutes choses. » (fr. XXV)

  • « Toujours au même endroit, il demeure où il est, / sans du tout se mouvoir ; il ne lui convient pas / de se porter tantôt ici, tantôt ailleurs. » (fr. XXVI)

Cette divinité la plus grande, dont le nom est caché, est unique, sans ressemblance avec les choses qui naissent et qui meurent (fussent-elles pensantes), toute sensation et conception, cause immanente du mouvement de toutes choses (comme l’âme par rapport au corps), immobile enfin. Platon s’en souviendra quand il fera de l’âme du monde le moteur immobile de toutes choses.

Au sujet de cette divinité première, deux points peuvent être relevés :

  • Chaos représente, mieux que Gaïa, la génération asexuée. Dans la divinité première, elle apparaît comme un pouvoir de « concevoir » le monde tel qu’il doit être, comme une pensée planificatrice (attribut du démiurge cosmique platonicien). Cette transposition rend la génération asexuée beaucoup plus facilement appropriable par les hommes.

  • La divinité première a toutes les caractéristiques de l’âme du monde. Le lien entre l’âme et le souffle est au centre des philosophies d’Anaximène et d’Héraclite. Chez Xénophane, elle n’est plus souffle, mais air parfaitement immobile, en opposition complète avec Anaximène qui met en valeur sa mobilité. Les deux philosophes ont néanmoins en commun de prêter à l’air l’invisibilité (marque par excellence de l’infigurable) et l’illimitation propre à la transcendance passée dans l’immanence (comme on va le voir). Cet air transparent est à la source de tous les mouvements, mais il ne se meut pas lui-même, ce qui ouvre la voie à un second principe : celui qui lui fournit des corps à animer.

Ce second principe n’est autre que Gaïa. Rien ne permet de penser que, à l’instar d’Anaximène, Xénophane fasse dériver la terre de l’air (par densification). Gaïa n’est pas une forme anomique, accidentelle, de l’air, elle est le complément ontologique nécessaire de l’âme du monde.

  • « De la terre tout vient, et tout redevient terre. » (fr. XXVII)

  • « Cette limite supérieure de la Terre, / on la voit à ses pieds et rattachée à l’air ; / l’inférieure en revanche à l’infini s’étend. » (fr. XXVIII)

Tandis que l’air est infigurable, Gaïa est à la limite de la figuration : le sol est sa partie visible, en même temps qu’il constitue sa limite avec l’air. C’est au point de rencontre de Gaïa et de Chaos que se déploient les êtres mortels terrestres. Pour être en adéquation avec sa théorie des principes (partiellement) infigurables, Xénophane est amené à renoncer à la conception thalésienne d’une Terre sphérique autour de laquelle tournent la lune, le soleil, les planètes et les étoiles. Gaïa est infiniment profonde, illimitée vers le bas, limitée vers le haut. L’âme aérienne du monde, double de Gaïa, ne peut qu’être elle aussi illimitée, mais vers le haut, et limitée, mais vers le bas.

On reconnaît dans le fragment XXVII la formule canonique des Milésiens, répondant à la question « d’où viennent et où retournent toutes choses ? ». Le principe et la fin, Xénophane les identifie à la terre (et non à l’eau comme Thalès, à l’air comme Anaximène, ou au feu comme Héraclite). Les choses dont la terre est principe et fin sont les corps mortels que l’âme du monde peut animer. En elle-même Gaïa n’est absolument pas animable, elle est un corps tout à fait immobile : il lui faut produire d’autres corps, mobiles quant à eux, pour que l’âme du monde ait matière à animer. Or la conception asexuée, si elle suffit pour concevoir et mettre en œuvre un plan, est insuffisante pour enfanter des corps mobiles, qui doivent être sexuellement produits. Ce qui introduit un troisième principe.

De même que Chaos a besoin de Gaïa pour animer quelque chose, Gaïa a besoin d’eau pour produire quelque chose. On retrouve là l’équivalence thalésienne de l’eau et de la semence masculine.

  • « Terre et eau, c’est cela que sont toutes les choses / qui naissent et qui croissent. » (fr. XXIX)

  • « Car tous, nous sommes nés de la terre et de l’eau. » (fr. XXXIII)

L’eau masculine est représentée par Pontos, cette divinité hésiodienne de seconde génération, enfant que Gaïa fait naître (comme Ouranos) sans sexualité, mais avec qui elle s’accouple pour donner naissance aux divinités marines. En ne faisant référence qu’à Pontos, Xénophane efface la figure d’Ouranos, trop chargée de vices.

  • « Mer est source de l’eau, elle est source du vent : / car il n’y aurait point, enfermée dans les nuées, / la puissance du vent soufflant de l’intérieur, / s’il n’y avait la mer immense ; et point non plus / les fleuves s’écoulant, et l’eau de pluie venue / des régions de l’éther : car c’est la vaste mer / qui engendre les nuées et les vents et les fleuves. » (fr. XXX)

  • Si l’âme du monde n’a aucune prise sur Gaïa, aussi immobile qu’elle et parfaitement inaccessible à son influence, il n’en va pas de même de Pontos, qui est la mobilité même, que l’âme du monde peut orienter à son gré, de façon à arroser et irriguer le sol terrestre. Xénophane est célèbre pour avoir, le premier, mis en évidence le cycle de l’eau. Pontos est une immense réserve d’eau toujours en mouvement, dont sont tirées des nuées elles-mêmes mouvantes, sources de souffles humides et de pluies. Les pluies ruisselantes, pour partie, pénètrent le sol, comme on le voit avec les grottes humides (« L’eau ruisselle d’en haut dans certaines cavernes. » (fr.XXXVII)), pour partie, réunissent leurs eaux en fleuves qui se jettent dans la mer. L’eau qui s’infiltre dans le sol féconde Gaïa, se mélange à la terre pour former continuellement des générations d’êtres vivants mortels. Ceux-ci disposent eux-mêmes du pouvoir de génération, les mâles offrant, tel Pontos, leurs semences aux femelles de leur espèce, telle Gaïa, dont naît une nouvelle génération d’êtres mortels. Une partie des êtres mortels naît à la frontière de l’air et de la terre, et l’âme du monde se saisit d’eux pour les animer. Une autre partie naît du contact direct de Pontos et de Gaïa, mais l’âme du monde n’a aucune difficulté à les animer par l’intermédiaire de Pontos, qui est son outil par excellence.

  • Jeter de l’eau sur la terre est une chose, provoquer par ce biais la naissance d’êtres vivants mortels en est une autre. Gaïa n’enfante pas mécaniquement, il faut l’y disposer, l’arracher à son inertie. Ce qui introduit un quatrième principe.

Ce principe a pour nom Hélios, dont la fonction est d’émouvoir Gaïa, de lui faire accepter la semence de Pontos.

  • « Le Soleil va marchant au-dessus de la Terre / et puis la réchauffant. » (fr. XXXI)

  • Hélios est sous le joug de l’âme du monde, qui l’élève et l’abaisse. La chaleur qu’il dispense stimule la fécondité de Gaïa, et indirectement des femelles qui sont ses héritières. Cela recoupe bien les remarques de Marcel Detienne sur la canicule chez les Grec.que.s, la chaleur ayant tendance à soumettre les hommes au pouvoir des femmes mues par un désir d’enfant, démultiplié au moment de la canicule (cf. la fête des Adonies qui ouvre la période du lever simultané du Soleil et de Sirius, étoile la plus brillante du ciel, qui appartient à la constellation du Grand Chien – d’où le nom « canicule » –, fête d’Aphrodite dédiée à l’amour libre féminin).

b) Air, terre, eau, feu

La tétrade élémentaire pythagoricienne acquiert avec Xénophane le statut de tétrade théologique constitutive du cosmos, principes et fins de toutes choses, dont les noms hésiodiens sont Chaos, Gaïa, Pontos et Hélios. Mais alors que les éléments de la tétrade pythagoricienne sont entre eux à égalité au regard de la transcendance du Un et du Tout, la tétrade xénophanienne est hiérarchique.

  • Chaos est la divinité première en tant qu’elle vivifie Gaïa qui, sans elle, ne serait que Tartare, terre morte.

  • Gaïa est le complément de Chaos, sans laquelle Chaos n’aurait rien à animer. Comme telle elle est la seconde divinité.

  • Pontos est le complément de Gaïa, sans lequel Gaïa ne pourrait rien produire, et l’instrument par excellence de Chaos. Il est ainsi la troisième divinité.

  • Hélios, lui aussi mis en mouvement par Chaos, permet à Gaïa arrosée par les eaux de Pontos de devenir féconde et de faire naître et croître des êtres vivants. Formés d’eau, qui est l’instrument par excellence de Chaos, ils reçoivent le mouvement qu’il leur imprime et le but qu’il leur assigne. Formés de terre, ils retournent à leur mère Gaïa dans la mort. Il est la quatrième divinité de la tétrade hiérarchique.

Xénophane cherche ainsi à substituer au récit généalogique hésiodien la description d’un ordre hiérarchique d’éléments complémentaires dont la conjonction rend possible la vie mortelle.

La cosmologie théologique de Xénophane est-elle genrée ? Incontestablement, et de façon relativement complexe !

  • Parce que Chaos vise essentiellement l’animation des êtres vivants mortels de genre mixte, il peut être dit neutre. Mais du fait de sa fonction centrée sur la conception, qui est le mode asexué majeur de la maternité (et qui se retrouve dans Mètis, prudence ou ruse intelligente, divinité féminine), il peut être dit de genre féminin. Cette dominante féminine permet de faire de Chaos la mère des âmes des êtres vivants mortels. Semblables à leur mère, elles sont également neutres d’un côté et féminines de l’autre.

  • Gaïa est pourvue par Xénophane de toutes les caractéristiques de la maternité. Elle est avec évidence de genre féminin. Pourtant, Gaïa sans Chaos n’est absolument pas disposée à enfanter. Et lorsqu’elle enfante, les êtres vivants mortels qui voient le jour sont aussi bien mâles que femelles. Gaïa présente ainsi une neutralité sur deux plans : neutralité par rapport à l’enfantement sexué, neutralité par rapport au sexe de ce qui est enfanté.

  • Pontos est présenté avec tous les caractères de la sexualité masculine. Il n’a d’autre volonté que celle de Chaos, dont il est l’outil, et d’autre fin que de fournir à Gaïa les moyens d’enfanter. Son horizon limité fait partie de sa fonction.

  • De même Hélios n’a pas d’autre volonté que celle de Chaos et d’autre effet que de stimuler la fécondité de Gaïa pour qu’elle accueille favorablement la semence de Pontos et qu’elle enfante effectivement des corps que la divinité première pourra animer. La chaleur qu’il dégage est essentielle à la vie reproductive, il rapproche les mâles et les femelles de façon à ce qu’ils se reproduisent. La chaleur qui émane de lui n’entre pas, comme le font la terre et l’eau, à titre de composant dans les corps, elle est comme le complément extérieur et commun à l’ensemble des corps, qu’elle lie selon leurs affinités reproductives (leur appartenance à la même espèce, c’est-à-dire à la même génération issue de Gaïa). Hélios apparaît en ce sens comme neutre, l’équivalent d’Éros dans la Théogonie d’Hésiode, né en même temps que Chaos, Gaïa et Tartaros, et par qui s’impose la reproduction sexuée. Neutre mais au service du féminin, qu’il s’agisse de Chaos ou de Gaïa.

Lorsqu’on compare la théologie de Xénophane avec celle d’Anaximandre, on ne peut pas ne pas remarquer que Gaïa a toutes les caractéristiques de l’Illimité, d’où proviennent et où retournent toutes choses. Chaos apparaît dès lors comme un second Illimité, d’où proviennent et où retournent les âmes et non les corps. Ce sont deux féminités qui s’opposent : le féminin en soi et le féminin orienté vers le masculin, la maternité sexuée corporelle et la maternité asexuée intellectuelle. La fin du – VIe siècle se trouve ainsi, avec Xénophane, marquée par une double représentation du féminin, passif, corporel et sexuel d’un côté, actif, intellectuel et asexué de l’autre. Je ne m’étendrai pas sur « l’heureuse » destinée de cette double orientation : Chaos, quoique divinité première, est vouée à être avalée par Zeus philosophe, tandis que Gaïa, divinité seconde, n’aura pas plus d’importance que Xanthippe dans la vie de Socrate.


(3) La réforme de la culture masculine

« Veuillez considérer de telles conjectures / comme ayant ressemblance avec la vérité. » (fr. XXXV)

C’est bien la première fois qu’un sage grec confesse ses limites ! Rassurons-nous, il ne s’agit pas de ses limites en matière de religion, ni même en matière de poésie, mais uniquement de celles qui concernent la métaphysique. C’est justement parce qu’il croit sincèrement en la transcendance divine, en la séparation radicale du divin et de l’humain (qui sont au fondement de tous ses conseils religieux), qu’il se sait incapable de dire la vérité du monde, chasse gardée des êtres divins.

« Non, jamais il n’y eut, jamais il n’y aura / un homme possédant la connaissance claire / de ce qui touche aux dieux et à toutes les choses / dont je parle à présent. Même si par hasard / il se trouvait qu’il dît l’exacte vérité, / lui-même ne saurait en prendre conscience : / car tout n’est qu’opinion. » (fr. XXXIV)

« Car tout n’est qu’opinion » est sans doute la phrase de Xénophane la plus célèbre ; elle confirme qu’il ne confesse pas sa faiblesse en matière de métaphysique par humilité, mais que cet aveu découle de ses convictions sur le rapport des êtres immortels et des êtres mortels. La vérité étant du côté des êtres divins, ne reste en partage à l’être humain que l’opinion, marquée par l’errance, l’absence de point de repère, du moins en métaphysique.

« Ce n’est pas dès le commencement que les dieux / ont tout dévoilé aux mortels ; mais, en cherchant, / ceux-ci, avec le temps, découvrent le meilleur. » (fr. XVIII)

Contrairement aux apparences, ce fragment ne se rattache pas directement aux précédents, même s’il s’appuie toujours sur le principe de la séparation du divin et de l’humain. Il ne s’agit plus de la capacité de l’être humain à connaître le monde dans sa totalité et par conséquent les êtres divins dans leur rapport à l’ordre qui y règne, mais de connaissance pratique. Les êtres divins n’ont rien fait pour éclairer les êtres humains sur les arts et techniques, ceux-ci ont progressé seuls et ne cessent de découvrir de meilleurs moyens pour leur permettre de surmonter les obstacles qu’ils rencontrent dans la pratique. En cela Xénophane s’oppose à toute la tradition des vieilles religions mésopotamienne et égyptienne, dont la Grèce a hérité avec le mythe de Prométhée. Cette opposition n’est pas gratuite : Xénophane, à l’instar des clergés mésopotamiens et égyptiens, sépare le divin de l’humain, mais alors qu’ils en déduisent pour l’être humain un statut de serviteur des êtres divins (sans qui il ne saurait rien faire de ses dix doigts), Xénophane au contraire veut y trouver le fondement de la liberté pratique humaine. L’opinion pratique n’a donc pas le même statut que l’opinion théorique : celle-ci n’a aucun point de repère, celle-là possède un critère sûr, l’utilité pratique, qui se prouve par les faits. Mais ce critère n’est jamais définitif : s’il permet de viser le meilleur dans l’absolu, il permet seulement d’atteindre le meilleur relatif.

« Si quelqu’un remportait le titre de vainqueur / […] à Olympie […] / à ses concitoyens alors il offrirait / un aspect plus glorieux : on lui réserverait / une place d’honneur au moment des concours, / il se verrait nourri aux frais de la cité / et même recevrait en don une fortune. / […] / Il pourrait recevoir toutes ces récompenses / sans avoir la valeur que je possède, moi. / Car ma science prévaut sur la force des hommes. / […] / Ce n’est pas à bon droit qu’on préfère la force / à la science, en laquelle est sise la valeur. / Si le peuple comptait en effet dans ses rangs / un champion [] / la cité n’en serait nullement pour autant / mieux gouvernée ; et mince en serait le profit, / si l’un de ses champions remportait la victoire / aux rives de Pisa ; car ce n’est pas cela / qui peut d’une cité enrichir les greniers. » (fr. II)

L’utilité comme critère d’évaluation : là encore Xénophane est sans doute le premier sage grec à le revendiquer. Mais n’est-ce pas ruiner l’unité de la philosophie ? La métaphysique, où règne l’opinion sans point de repère, ne ressemble-t-elle pas aux jeux sportifs ? En fait, le fragment critique moins les jeux en tant qu’exercice physique préparant à la guerre, que les jeux en tant que fin en soi. En outre, le citoyen qui se prépare à la guerre ne mérite aucune louange tant qu’il n’a pas défendu effectivement et victorieusement sa cité. De même, la métaphysique est un exercice intellectuel qui prélude à une philosophie pratique efficace. De cette façon, Xénophane critique par avance toute philosophie réduite à sa partie métaphysique, en même temps qu’il en fait le seuil par excellence de la philosophie pratique. Platon, un siècle et demi plus tard, réitérera ce geste avec la géométrie (« nul n’entre ici s’il n’est géomètre »).

« Oui, c’est au coin du feu qu’il faut en deviser, / tout au cœur de l’hiver, allongé sur un lit / passablement douillet, après un bon dîner, / en buvant du vin doux, et tout en grignotant / des pois chiches grillés. C’est alors qu’on peut dire ; / « Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Dis-moi quel est ton âge ? / Et quel âge avais-tu quand le Mède arriva ? » (fr. XXII)

À la suite de Pythagore, Xénophane recherche une amitié entre personnes vertueuses qui ne ressemble pas aux relations d’amitié traditionnelles. Mais alors que Pythagore entend l’établir entre les hommes et entre les femmes, dans le cadre strict de son établissement scolaire, sous la forme d’une assistance mutuelle intransigeante mais sans affect, Xénophane s’en tient à l’amitié masculine et l’incarne dans la chaleur d’un moment intime partagé.

Le fragment fait référence au rituel d’hospitalité, évidemment plus fréquemment masculin que féminin. L’hospitalité est l’une des notions fondatrices de la culture masculine indo-européenne. Je l’ai abordée dans mon article sur Pythagore avec le mythe arcadien de Lycaon accueillant Zeus comme son hôte. L’hospitalité grecque est celle que l’on offre au voyageur étranger, et préférentiellement au « jeune loup » (pour reprendre le terme arcadien) qui a quitté sa cité pour découvrir le monde, non pas par goût, mais parce que, faisant partie d’une aristocratie locale, il est tenu de se faire des alliés dans une cité voisine, en vivant quelques semaines, mois, années, dans un oikos (de même niveau social) qui lui est a priori étranger. Telle est la forme première de l’hospitalité dont dérive l’hospitalité politique vis-à-vis du suppliant et de la suppliante (cf. à ce sujet mon article Les Danaïdes, https://gnathaena.blogspot.com/2016/09/les-danaides.html), de l’exilé.e, de l’aède ou du sage (dont Xénophane a en l’occurrence bénéficié à Élée).

Le rite d’hospitalité que présente Xénophane s’adresse aux amants de la sagesse. Son heure est la morte saison, où il n’est rien d’urgent à faire, le soir, alors qu’il n’y a plus rien à faire. Dans ce temps mort, à la faveur d’une ambiance douillette, peut éclore l’échange philosophique préludé par l’ouverture à l’autre, l’inclusion de l’étranger dans la sphère d’intimité de l’hôte. Aristote n’oubliera pas ce lien qu’établit Xénophane entre la pratique de la philosophie, le loisir et le confort. Rien de masculiniste ici. C’est encore à une valeur féminine qu’il est fait référence ici, l’un des aspects de la maternité : sécurité, chaleur, nourriture pour l’âme plus que pour le corps. Les femmes sont pourtant absentes de la scène : les hommes sont parvenus à « introjeter » leur influence, diraient les psychanalystes, ou pour le dire dans le langage plus grec du mythe : les hommes ont réussi à avaler tout d’un bloc Métis, Héra et Gaïa, à faire mieux que Zeus qui s’est contenté de la première. Du moins s’agit-il du club fermé des philosophes. Car les autres hommes ont des occupations toutes différentes (le sport, nous l’avons vu).

« Et voici maintenant que le plancher est propre, / que les mains sont lavées et les coupes rincées. / De couronnes tressées un garçon ceint nos têtes, / et un autre nous tend le vase renfermant / la myrrhe parfumée. Là se tient un cratère / rempli de bonne humeur ; un autre vin est prêt / qui ne saurait manquer de tenir ses promesses, / doux, sentant bon la fleur, dans les jarres de terre. / Et au milieu de nous, l’encens laisse exhaler / sa sainte odeur ; et de l’eau est là, fraîche, douce / et pure ; et il y a des petits pains dorés. / La table vénérable est chargée de fromage / et de miel gras ; au centre un autel est dressé / tout recouvert de fleurs, et la maison résonne / sous l’écho des chansons et les bruits de fête. / Mais il faut, quand on est rempli de bonne humeur, / d’abord en rendre hommage à Dieu par un hymne / fait de mythes pieux et de paroles pures. / Ensuite après avoir versé la libation / et demandé qu’il nous donne la force / d’œuvrer dans la justice – en vérité c’est là / notre premier devoir – ce n’est pas démesure / de boire, tant qu’on peut retrouver le chemin / de sa propre maison, sans l’aide secourable / d’un serviteur dévoué, à moins qu’on soit déjà / dans un âge avancé. Mais il faut louanger / l’homme qui sait montrer, même après avoir bu, / qu’il garde sa mémoire et goût pour la vertu ; / il ne chantera pas les combats des Titans, / la lutte des Géants affrontant les Centaures / – pures fictions forgées dans les temps reculés – / ni la guerre civile ; en toutes ces histoires / il n’est rien de bon. Mais il aura toujours / un saint respect des dieux, en cela est le bien. » (fr. I)

Après le rite d’hospitalité, le rite complémentaire du banquet privé entre amis d’une même cité. Dans la version qu’en donne Xénophane, le règne de la bonne humeur, qui est sa raison d’être, ne perturbe pas la sacralité du rituel, ce qui n’est pas le cas de l’autre version, que le fragment permet d’entrevoir, où le rite devient simple règle du jeu pour que tous partagent une beuverie à laquelle seuls le sommeil et le coma éthylique peuvent mettre fin, et où (selon Xénophane) les convives se laissent aller aux historiettes divines les plus scandaleuses. L’observation de la façon dont se déroulent les banquets privés apparaît ainsi comme le meilleur moyen d’évaluer la vertu d’une cité. Car la vertu d’une cité commence par la vertu de ses banquets privés.

On remarque immédiatement que la description par Xénophane du banquet privé vertueux est tout à fait conforme aux recommandations d’Orphée et de Pythagore en matière de nourriture. Le banquet débute par une purification, puis les aliments sont présentés : vin, eau, pain, fromage, miel, tous décrits avec l’aide de qualificatifs renvoyant à la pureté et au sacré, que rappelle l’encens, compagnon du partage sacrificiel alimentaire. Tout rappelle l’âge d’or et les êtres vivants du troisième genre (vigne, blé et orge) ou de la maison humaine (chèvre, abeille). Là règne Gaïa la bonne mère, celle de l’âge d’or, qui recherche l’émancipation de ses fils.


(4) Conclusion : avaler les femmes

Il est possible de mesurer le féminisme de Xénophane en comparant sa théologie avec celle de l’Enuma Elish de la Babylone du – XIIe siècle, déjà évoquée dans mon article sur Hésiode, et que l’on peut qualifier de « norme masculiniste » pour l’Antiquité.

  • Marduk, le plus jeune des dieux, « tue » Tiamat, la mère des dieux et des déesses, l’ouvrant en deux et faisant des deux moitiés, le ciel d’une part, où logent les dieux et les déesses, la terre de l’autre, où sont créés les êtres humains pour le service des êtres divins, et où ceux-ci descendent pour se nourrir des offrandes humaines.

  • La divinité première de Xénophane semble agir, comme Marduk, en démiurge façonnant le paysage cosmique qu’habitent les êtres humains. La façon de faire n’est cependant pas du tout la même :

    • Gaïa n’est pas tuée, au contraire, puisque, sans la divinité première, elle est indiscernable de Tartare, terre morte, et qu’en sa présence elle prend vie en engendrant toutes les espèces animales et végétales.

    • Ce n’est pas en tant que force masculine que la divinité première produit les êtres vivants mortels, mais en tant que puissance féminine conceptrice, rendant son double capable d’enfanter (par la chaleur solaire et l’aspersion spermatique).

    • En outre, la divinité première anime un paysage déjà constitué : d’elle-même, en tant qu’air, et des trois autres principes, terre, eau et feu. La hiérarchie des principes, qui va de la féminité conceptrice à la neutralité amoureuse en passant par la féminité maternelle et par la masculinité, est donnée une fois pour toutes : la tétrade est, chez Xénophane, le principe qui transcende le monde (en termes pythagoriciens, le 4 transcende le 1 d’un côté – la divinité première –, le 10 de l’autre – les êtres vivants), principe mixte avec une dominante féminine assumée (la tétrade étant hiérarchisée et le sommet de la hiérarchie étant féminin).

Par un tour d’adresse très masculin, Xénophane fait cependant endosser aux hommes et non aux femmes la garde de la tétrade métaphysique.

  • La position mineure du masculin par rapport au féminin (position ustensile en vue de la reproduction sexuée) ne peut être dépassée que par la conversion du masculin au féminin qui agit directement sur lui, à l’agente de la reproduction asexuée entendue comme conception intellectuelle, c’est-à-dire comme culture de la pensée. Le salut du masculin passe par l’appropriation de la culture de l’âme, cette version asexuée de la féminité.

  • Cette appropriation n’a rien du meurtre de la Grande Mère par les soins de son petit-fils Marduk, elle prend la forme d’un échange entre hommes, dans le cadre du loisir, marqué le confort et la piété. C’est ainsi que l’on philosophe au masculin, en recréant autour de soi et en soi l’âge d’or, régi par la bonne mère Gaïa.

Tous les hommes n’ont pas vocation à s’approprier une culture à dominante féminine, où la mère intellective (identifiée à Mètis et à sa fille, la plus mâle des vierges : Athéna) et la mère charnelle jouent le meilleur rôle, et où il s’agit de prendre la place de la première, faute de pouvoir s’emparer de celle de la seconde. La très grande majorité d’entre eux préférera toujours le sport et les beuveries profanes.

Les philosophes ne sont donc pas assimilables aux hommes en général, mais à ces quelques-uns qui ont avalé Chaos-Métis-Athèna (devenant par ce biais maîtres de la culture des esprits) et à sa suite Gaïa (en se donnant les uns aux autres l’enseignement maternel de l’émancipation) et Héra (prenant la place de l’épouse, garante du confort).

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