Dominer la planète est une entreprise
risquée : l'être humain, depuis qu'il s'est engagé dans cette
voie, le sait bien et ne l'oublie pas. Il y a un mot en grec qui
traduit le fait que ce risque, l'être humain le porte dans sa propre
« nature » : c'est l'hubris, la démesure, qui
appelle la némésis, le châtiment. Le comportement de l'être
humain est en grande partie guidé par cette crainte de la démesure
et du châtiment qui ne peut manquer de s'ensuivre. C'est ainsi que
s'est développé chez lui une sensibilité à l'injustice qu'il est
amené à commettre, à l'égard de lui-même comme à l'égard de
son environnement.
Selon certains historiens amis de
l'anthropologie et de l'éthologie, la plupart des rituels les plus
fédérateurs, en vigueur au sein d'une société, sont marqués par
le thème de l'injustice commise et de la rédemption. Mais ils
rajoutent que ces rituels comportent une dimension de « mascarade »
destinée à éviter à la collectivité de prendre trop au sérieux
la réalité du tort commis et de la réparation à faire, et d'être
submergée par le déchaînement émotionnel qu'appelle le sérieux
du rite.
En l'occurrence, comme l'être humain
n'est pas très futé, ce n'est qu'après avoir bien pourri
l'environnement ou s'être bien pourri lui-même, qu'il finit par
appliquer l'équation hubris => châtiment à ce qu'il vient de
faire (pendant plusieurs siècles ou plus). D'où l'invention
opportuniste du « contrat unilatéral » passé
unilatéralement (comme son nom l'indique) par l'humanité dans son
ensemble avec l'environnement (animal et végétal), ou par une
partie de l'humanité (celle qui a commis l'injustice) avec une autre
partie (celle qui l'a subie). Ce contrat (implicite bien sûr, mais
qui prend des formes très concrètes) repose sur un engagement de la
partie active (c'est-à-dire dominante) du contrat à réduire
l'étendue des pressions imposées à la partie passive, à
reconnaître qu'elle a fauté, à demander pardon et à promettre de
mieux accompagner à l'avenir la partie passive dans la voie de
progrès que la partie active a ouverte.
Le contrat unilatéral repose donc sur
deux principes :
- les parties ne sont pas à égalité,
l'une d'elles est incapable de s'engager autant que l'autre, voire
est incapable de comprendre les termes du contrat (que seule l'autre
appréhende correctement dans ses tenants et ses aboutissants)
- l'établissement du contrat, dans la
mesure où la partie active s'engage à l'avenir envers la partie
passive, gomme l'injustice commise antérieurement
En ce sens le contrat unilatéral fait
partie de ces rituels évoqués plus haut, dont le fond est sérieux
mais qui comporte une dimension de mascarade.
On en connaît plusieurs formes
récentes : l'engagement à l'égard du climat et de la
biodiversité, à l'égard des victimes de la colonisation européenne
du 16ème au 20ème siècle...
La Journée du 8 mars pour les droits
des femmes n'est-elle pas une nouvelle expression du contrat
unilatéral, dont la partie active regroupe les hommes et la partie
passive les femmes ?
Souhaitons que non, car si c'est le
cas, cette journée s'inscrit parmi les actes rituels qui visent à
trouver une solution à un problème d'injustice de l'être humain à
l'égard de lui-même (des hommes à l'égard des femmes) tout en
dédramatisant cette injustice, et elle repose alors sur les deux
principes déjà mentionnés :
- les femmes ne sont pas égales aux
hommes, elles ne peuvent s'engager vis-à-vis des hommes comme les
hommes s'engagent vis-à-vis des femmes, les femmes sont même
incapables de comprendre les termes du contrat, car elles ne savent
ni ce qui est bon pour elles dans l'immédiat ni à quelle glorieuse
destinée les mènent les hommes
- les torts commis antérieurement par
les hommes à l'égard de femmes sont gommés par la seule
perspective que leur sort s'améliorera dans l'avenir
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