Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes (ainsi que chacun sait), arrive bientôt. Comme chaque année, nous assistons pour l'occasion à un déluge d'initiatives plus ou moins pertinentes, plus ou moins vulgaires. Je ne m'amuserai pas à les recenser, d'autres l'ont déjà fait et bien fait (ici, par exemple).
Il est toujours étonnant de voir cette Journée se transformer année après année en une sorte de fête populaire, très éloignée de son propos officiel, une fête où sont célébrés la Femme, la Féminité, le corps féminin, et qui trouverait sa place entre la Saint-Valentin et la fête des Mères.
Ce phénomène me fait m'interroger : même s'il est évidemment regrettable qu'une journée qui doit permettre de faire le point sur l'évolution de la condition des femmes dans le monde, soit devenue ce qu'elle est aujourd'hui dans la rue, dans la sphère politique et dans les médias, on peut aussi se demander si ce glissement ne tente pas, maladroitement peut-être, de répondre à un besoin et de pallier un manque.
Je m'explique : dans les sociétés antiques du pourtour méditerranéen étendu, le calendrier des fêtes comptait de nombreuses fêtes que je qualifierai de "féminines", consacrées à différents dieux ou déesses, selon le ou les aspects de la femme qui étaient célébrés : fête de la fécondité, fête de l'amour non procréatif, fête de la fertilité, fête préparant au mariage...
Par ailleurs, je crois voir se dessiner, avec la baisse de la pratique religieuse dans les pays occidentaux et la moindre célébration des grandes fêtes du calendrier chrétien, un mouvement aboutissant à la création de nouvelles fêtes ou à la réactivation de fêtes pré-chrétiennes, en apparence seulement non religieuses (fête de la musique, Halloween...), tant il est vrai que l'être humain semble avoir besoin de moments forts qui rythment le passage du temps. Il me semble voir dans la Journée du 8 mars l'aboutissement d'un tel mouvement, avec la création d'une nouvelle fête retrouvant, par un certain nombre d'aspects, le souvenir des fêtes "féminines" antiques.
Cependant, s'il existe bien des points communs entre hier et aujourd'hui, d'importantes différences apparaissent, la principale concernant la mixité.
Il est en effet inimaginable dans la culture gréco-latine que les temps forts de la vie des femmes soient marqués par des fêtes associant les hommes, comme il arrive aujourd'hui les 8 mars, mais aussi lors de la Saint-Valentin ou de la fête des Mères, où les hommes jouent un rôle essentiel, et sont chargés de "célébrer" les femmes. Au contraire, les sociétés antiques établissent une stricte séparation entre les cultes masculins et les cultes féminins, chaque sexe se réunissant de son côté, pour célébrer des vertus et des valeurs qui leur sont traditionnellement attribuées au cours de rituels spécifiques.
Les femmes célèbrent donc les cultes féminins entre elles, l'accès des hommes aux lieux de culte est rigoureusement interdit, ainsi que le rappelle le poète satirique latin, Juvénal, évoquant la maison où se célèbrent les mystères de la Bona Dea, "ce lieu d'où fuit même le rat conscient d'avoir une paire de couilles, et où la consigne est de voiler toute peinture à l'effigie du sexe interdit" (1).
Dans de prochains articles, je me pencherai donc plus avant sur les différentes fêtes "féminines" de l'Antiquité, dans une rubrique qui sera intitulée : "Interdit même aux rats".
Il est indéniable que nos religions monothéistes sont ultra-masculines, avec un clergé / des représentants religieux, des prophètes et même un Dieu plutôt masculins, j'avais donc envie, non pas de réhabiliter les cultes de Cybèle ou de Coré-Perséphone, mais de donner un aperçu de religions fonctionnant très différemment des nôtres, où une place plus importante est donnée aux femmes.
(1) Juvénal, Satires, VI.
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